Banksy démasqué ?

Banksy fait de nouveau les gros titres. Mais cette fois c’est indépendamment de sa volonté. Une vieille interview oubliée refait surface après plus de 15 années passées dans les archives de ITV News. Réalisée en 2003, cette vidéo montre un jeune homme, alors inconnu du grand public, face caméra, le visage partiellement caché par un foulard, en train de répondre aux questions d’un journaliste. Et c’est sous le pseudonyme de Banksy qu’il s’exprime.

La vidéo semble authentique puisqu’il est possible de voir des détails de l’exposition Turf War en arrière plan. Les images d’archives que l’on trouve sur Internet confirment cette hypothèse. La date annoncée correspond elle aussi, puisque cet événement avait eu lieu du 18 au 24 juillet 2003, à Londres. Tout semble donc confirmer qu’il s’agit d’une interview authentique.

L’Exposition Turf War

Cet événement était l’une des premières expositions d’envergure de Banksy. A cette époque l’artiste commençait à avoir une certaine renommée, mais encore dans un milieu intimiste. Le journaliste Haig Gordon, à l’origine de l’interview l’avait d’ailleurs complètement oubliée, pensant à l’époque avoir interviewé un jeune street artist quelconque et pas la star internationale actuelle de l’art contemporain. Ce n’est qu’il y a quelques jours que Robert Murphy, journaliste de Bristol, a exhumé cette vidéo des archives de ITV News. Haig Gordon reste d’ailleurs incapable de décrire le visage du jeune homme, qu’il a pourtant vu sans son bandeau avant que l’interview ne commence. Il garde juste le souvenirs d’un jeune homme “très sympathique” qui ne se prenait pas au sérieux.

L’une des meilleures d’Angleterre, mais la plus brève exposition de l’année.

Joe La Placa, www.artnet.com

Cette exposition avait été organisée selon les codes de l’artiste. Comme à son habitude, Banksy avait inscrit tout cela dans l’esprit des fêtes illégales du type rave parties. Le lieu avait été gardé secret jusqu’au dernier moment, l’entrée était gratuite et des animaux peints peuplaient l’espace où étaient exposées les oeuvres Inside de l’artiste dans l’esprit Brandalism, qu’il revendiquait à l’époque… Une recette qui deviendra sa marque de fabrique.

Pour rappel, la notion de Brandalism est une contraction, intraduisible en français, des termes Brand (marque) et Vandalism. C’est une idéologie issue des milieux anarchistes américains de la fin du XXè siècle, en réaction a l’agression publicitaire omniprésente dans les rues. Banksy se revendique très vite de ce mouvement alternatif et urbain. La présence d’animaux dans ses expositions est un message en rapport à cette notion.

Je ramène l’idée de la marque à ses racines d’origine, à savoir la marque du bétail. Je l’appelle le Brandalism.

Banksy

Banksy recherché par la police

Turf War devait durer une semaine, mais c’était sans compter avec la police londonienne. En effet, c’est seulement deux jours après son ouverture que l’exposition sera fermée par les forces de l’ordre. La raison ? Ils sont à la recherche d’un individu responsable de nombreuses dégradations, sous le coup de plusieurs plaintes à ce sujet et dont le pseudonyme n’est autre que Banksy !

Je fais l’objet de plusieurs mandats d’arrêt et en plus je n’aime pas avoir affaire au public.

Banksy

Pourquoi il ne faut pas découvrir qui est Banksy

La question importante dans cette histoire est de savoir quelle pourrait être l’utilité de découvrir l’identité du street artist le plus anonyme qui soit. Et la réponse est simple : aucune. Toute sa démarche est basée sur ce concept. Et même si, à la base, cela reposait sur une simple question d’ordre technique : ne pas se faire attraper par la police, c’est devenu bien plus aujourd’hui.

Banksy pourrait se faire connaître. Il ne risque plus rien, en termes juridiques, puisque ses pochoirs augmentent le prix des murs qui les portent. Pourtant il attache toujours autant d’importance à protéger son anonymat. Et cela démontre qu’il s’agit bien plus d’une volonté de ne pas entrer dans une starification qui ruinerait tout l’esprit Banksy.

Cet anonymat est magique. C’est le symbole de la lutte contre notre société du Big Data et de la volonté d’avoir son instant de gloire d’un quart d’heure, aussi médiocre soit-il. C’est aussi une manière de permettre aux oeuvres de Banksy d’exister pour elle-mêmes, sans tomber dans la simple production d’un artiste à succès. Et enfin, c’est peut être la seule trace de poésie et de rébellion qui existe actuellement sur la scène de l’art contemporain.

Chercher à démasquer Banksy n’est pas seulement un non-sens, c’est un crime contre la poésie urbaine contemporaine.


Sources